Namaste India, lettre à cette destination qui me manque
Déjà plus d’un an que nous arrivions dans la moiteur et l’agitation de ta capitale, Delhi.
Notre rencontre fût soudaine et pourtant tellement attendue.
Nous t’avions imaginé lorsque nous étions de jeunes enfants admirant Jasmine et son Aladdin.
Nous t’avions goûté, un peu, dans les rares bons restaurants indiens de France.
Nous n’avions aucune idée de ce que tu nous préparais à l’époque.
Il y a quelques jours, nous parlions de toi. Ça arrive souvent. Nous avions déjà vu du paysage avant pourtant, des volcans de boues en Azerbaïdjan jusqu’à la Mosquée Bleu d’Istanbul en passant par les ruelles de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, mais je n’arrive pas à t’oublier. Ma venue chez toi était certainement celle que j’appréhendais le plus. Je t’avais rêvé, imaginé. J’avais tellement entendu parler de toi, parfois en bien, souvent en mal. Mon rêve de gosse s’effondrerait-il aux premières secondes sur ton sol ?
Tu n’as pas été pas comme mon rêve de gosse, ça non. Mais tu m’as changé.
Tu m’as appris à rêver à nouveau en admirant, avec sourire, tes films bollywoodiens.
Tu m’as bousculé sur mes croyances, mes idées sur l’au-delà, sur l’après.
Tu m’as démontré la richesse que peut offrir la religion loin des conflits que je connaissais.
Inde, tu m’as effrayé, parfois.
La densité de ta population, la difficulté à comprendre tes rites les plus ancestraux. Ton rapport avec la misère de ton peuple. La saleté de tes ruelles. Ta promiscuité. Je ne te cache pas que parfois, entre tes sublimes façades couleur ocre, j’ai cru étouffé. L’épaisseur de ton air. Le bruit. Oh oui, tu es bruyante…
Inde, tu m’as aussi fait grandir.
En m’enlevant mon rêve de gamin, tu m’as fait comprendre que le monde n’est pas qu’une jolie photo, une carte postale. Que finalement, l’objet même du voyage n’est pas sa destination, mais le chemin qu’il implique. Les rencontres qu’il faut apprécier. Les aventures qu’il faut savourer.
Se rendre chez toi pour y découvrir uniquement ton si beau Taj Mahal ou ta perle bleue du désert, Jodhpur, est une erreur. Quand on vient te rendre visite, on prend tout.
On embrasse, parfois avec violence, la profondeur de ta culture, la chaleur de tes habitants, la misère de tes rues, la fourberie de tes conducteurs de tuck-tucks, le rire de tes enfants, les épices de ta cuisine, le parfum de tes marchés aux fleurs…
Inde, tu m’as aussi (et surtout) fait tomber amoureux.
Je ne peux oublier la richesse de ton architecture, les couleurs vives des saris indiens, le travail d’orfèvrerie sur la soie, la patience de ton artisanat, l’audace de tes palais qui font tourner les têtes, les légendes, souvent d’amour, de tes joyaux les plus célèbres, la complexité de ta propre histoire et la chanson de ta langue.
J’ai tellement de difficulté à exprimer cette journée de Holi où j’ai pu partager l’effervescence de ton peuple en mélangeant nos poudres de couleurs, nos cultures et nos dialogues parfois mimés, l’estomac et la tête pleine.
Je ne peux passer quelques jours sans avoir des nouvelles de tes habitants. Comment va Ashu et sa fille ? Et Bharat, a-t-il fini ses études de journalisme ? Nous avons reçu maintes fois des invitations à revenir.
J’espère de tout coeur pouvoir répondre, un jour, oui, nous arrivons. Préparez le tchai.
Seras-tu toujours la même pour moi ? Je ne pense pas. Tu m’as habitué à être surprenante… Alors, surprends-moi à nouveau !
Merci Inde.
Brice.
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